Et bien comme le dit justement Kamel Daoud, être écrivain et algérien, ce sont deux métiers difficiles. C'est un peu comme intellectuel et insoumis, ou honnête et lepéniste. Sauf qu'ici, la difficulté c'est d'être à la fois écrivain algérien et en vie. Preuve en est qu'entre deux campagnes de diffamation contre Kamel Daoud, complètement relayées par une partie de la fraise française, Le régime algérien a semble-t-il décidé d'occuper ses week-ends en faisant ce qu'il sait faire de mieux le reste de la semaine, pourrir la vie des écrivains algériens. Enfin des écrivains, des chanteurs, des opposants et de ceux qui ont le mauvais goût de dénoncer la barbarie islamiste et de ne pas goûter au plaisir de voir ce régime aller à la mangeoire pendant que l'Algérie s'effondre.
Alors voilà, Boalem Sansal a été arrêté. Il est accusé d'espionnage et la peine, même si tout le monde sait qu'elle ne repose sur rien, pourrait être très lourde. Ce qui est un peu la particularité de l'Algérie où, comme le dit Kamel Daoud, le régime d'un côté et les islamistes de l'autre ont réussi à mettre en place un tribunal itinérant de l'identité pure et de l'hypernationalisme. Comment ne pas penser à l'écrivain Rachid Mimouni mort en exil au milieu de la décennie noire, au chanteur Lounès Matoub assassiné en 98 sur la route de Tizi Ouzou, à l'écrivain Tahar Jaout et à tous ceux qui sont morts d'avoir eu le courage de parler, d'écrire ou de chanter la détresse des Algériens pris entre un régime militaire ? autoritaires et corrompus et des islamistes ayant massacré près de 200 000 personnes pendant la décennie noire.
Car non, contrairement à ce que raconte Rima Hassan, influenceuse à masse, en visite guidée à Alger, l'Algérie n'est pas « la Mecque des révolutionnaires, de la liberté ». Et que toujours contrairement à ce que racontent la télé algérienne et la France insoumise, dire ce que l'on pense du régime algérien est nettement plus dangereux que de dénoncer « la France macronito-sioniste qui s'offusque de l'arrestation de Saint-Saëns à l'aéroport d'Alger ». Alors évidemment, à vue d'un régime qui parle d'une France macronito-sioniste, défendre la liberté d'un écrivain qui rappelle que « la littérature n'est pas juive, arabe ou américaine parce qu'elle raconte des histoires qui s'adressent à tout le monde », ça peut heurter. De la même manière qu'on peut être étonné par un homme qui a le courage de dire dans un pays dont le pouvoir pactise avec l'islamisme que je cite « La religion fait peut-être aimer Dieu, rien n'est plus fort qu'elle pour faire détester l'homme et haïr l'humanité ». Une formule qui ne fut pas reconnue à sa juste valeur dans le pays de la Mecque des révolutionnaires et de la liberté.
Car comme le rappelle encore Kamel Daoud, c'est un peu le lot de tous les écrivains algériens francophones d'être pris entre les islamistes qui estiment que le seul roman à lire est celui écrit par Allah et le régime qui s'oppose à toute concurrence avec le récit national. Alors maintenant qu'il est incarcéré, il est temps de soutenir Boilem Sansal qui, contrairement à ceux qui relaient les campagnes de dénigrement du pouvoir algérien en France et instruisent son « procès » en France, a fait le choix de résister en Algérie parce que… « Le mot « résister » a du sens. Si je reste là-bas, si je viens ici, c'est plus le mot qu'il faut utiliser. Ce serait parler, papoter. La résistance se fait là où il y a la vraie guerre.».