1968 : Les coulisses des négociations franco-algériennes sur l'immigration

Rédigé le 21/04/2025
LeMag .africa

Les archives diplomatiques françaises révèlent aujourd'hui les véritables enjeux des accords d'Alger du 27 décembre 1968, une page méconnue de l'histoire des relations franco-algériennes. Ces documents, longtemps restés confidentiels, permettent de comprendre les motivations profondes qui ont conduit à ces accords et leurs implications durables sur la politique migratoire entre les deux pays



Au lendemain des accords d'Évian de 1962, la libre circulation entre l'Algérie et la France visait initialement à faciliter le retour des pieds-noirs. Charles de Gaulle n'avait pas anticipé l'ampleur du phénomène : plus de 50 000 Algériens arrivent en France pour la seule année 1962. "Dans la commission mixte mise en place en décembre 1966, on ne s'est pas rencontré depuis plus d'un an, cela n'est jamais bon", rapporte Stéphane Hessel, alors ministre conseiller à Alger, dans un télégramme daté du 10 janvier 1968.

Les tensions s'accumulent entre Paris et Alger. Houari Boumediene nationalise des entreprises françaises en 1967, tandis que la France augmente les taxes sur les vins algériens. Les ministères français divergent sur l'approche à adopter : les Affaires sociales préconisent une limitation stricte à 11 000 travailleurs par an, quand l'Intérieur privilégie une position plus souple.

Les négociations d'octobre 1968 mettent en scène des personnalités aux tempéraments contrastés. Gilbert de Chambrun, directeur des conventions administratives au Quai d'Orsay, fait face à Djamel Houhou, décrit par Hessel comme "un ami au tempérament de feu et de glace". Redha Malek, ambassadeur à Paris et ancien porte-parole à Évian, joue un rôle décisif en obtenant l'aval de Boumediene.

L'introduction du certificat de résidence devient la clé de voûte des accords. "Nous faisons preuve d'un extrême libéralisme", note Hessel dans ses observations. Ce document, valable cinq ans, nécessite un emploi stable pendant neuf mois, une attestation de logement et un certificat médical. Le contingent annuel est fixé à 35 000 travailleurs, avec une clause de révision selon la conjoncture économique.

La signature intervient le 27 décembre 1968 entre Jean Basdevant, nouvel ambassadeur français, et Abdelaziz Bouteflika, ministre algérien des Affaires étrangères. Ces accords, bien que modifiés par plusieurs avenants, notamment en 2001, resteront le cadre de référence des relations migratoires franco-algériennes, même après l'arrêt de l'émigration de travail décidé par Boumediene en 1973.

Source : Archives diplomatiques françaises, Le Point n°2751, avril 202