Dans un entretien exclusif accordé à Ghassan Charbel pour Asharq Al-Awsat, Amr Moussa revient sur le tournant décisif que la guerre des Six Jours de 1967 a marqué dans sa carrière diplomatique et sa perception du leadership de Gamal Abdel Nasser. "Le 5 juin 1967 à 9h du matin, j'ai cessé de croire en Nasser", confie l'ancien ministre des Affaires étrangères égyptien et secrétaire général de la Ligue arabe.
Alors jeune diplomate au ministère des Affaires étrangères, Moussa découvre ce jour-là l'écart entre la propagande officielle et la réalité militaire sur le terrain. "Les communiqués mentaient et l'Égypte était menacée. Les nouvelles que nous recevions au ministère étaient radicalement différentes des déclarations triomphalistes diffusées", relate-t-il.
Cette désillusion n'a pourtant pas entamé sa fascination pour le charisme de Nasser. "Aujourd'hui encore, si j'entends un discours de Nasser, je m'arrête pour l'écouter, même en connaissant l'issue. Sa capacité à captiver demeure intacte pour moi", avoue Moussa.
L'ancien chef de la diplomatie égyptienne porte néanmoins un regard critique sur la gestion nassérienne de la crise de 1967 : "On ne peut pas engager son pays dans un jeu dangereux aux niveaux international et régional avec Israël quand une large partie de son armée est mobilisée au Yémen. La responsabilité en incombe au chef de l'État."
Cette analyse l'a conduit à soutenir l'approche plus pragmatique d'Anouar el-Sadate. "Ce que Sadate a accompli était parfaitement justifié. Il a agi en homme d'État pour récupérer les territoires perdus", estime Moussa, tout en soulignant que le Golan syrien reste occupé.
S'exprimant sur la situation actuelle de l'Égypte, Moussa se dit "préoccupé par 70 ans d'absence de bonne gouvernance". Il appelle à une "république nouvelle" basée sur une gestion équilibrée des ressources et des infrastructures du pays.