Le monde de l'art perd une voix majeure avec la disparition soudaine de Koyo Kouoh, survenue dans la nuit du 9 au 10 mai 2025. Cette commissaire d'exposition suisso-camerounaise de 58 ans laisse derrière elle un héritage qui a profondément transformé la perception de l'art contemporain africain sur la scène internationale.
"Il faut arrêter d'avoir une image dépréciée de nous-mêmes. Il n'y a rien de diminutif dans l'adjectif africain", déclarait celle qui a tracé un parcours remarquable entre Douala, sa ville natale, et les plus grandes institutions artistiques mondiales. Née en 1967, cette économiste de formation reconvertie dans l'art a bouleversé les codes établis dès son installation à Dakar à la fin des années 1990.
La création du RAW Material Company en 2008 à Dakar marque un tournant décisif. Ce centre d'art et de réflexion critique devient rapidement un catalyseur pour la scène artistique ouest-africaine, formant une nouvelle génération de créateurs et de penseurs. En 2019, sa nomination à la tête du Zeitz MOCAA au Cap consacre son influence. Sous sa direction, le plus grand musée d'art contemporain d'Afrique acquiert une renommée internationale, notamment grâce à l'exposition révolutionnaire "When We See Us".
Sa récente nomination comme commissaire de la 61e Biennale d'art de Venise pour 2026 – une première pour une femme africaine – témoigne de l'impact considérable de son travail. La Biennale de Venise salue "une curatrice, une érudite et une figure publique influente" dont la vision a transcendé les frontières.
L'héritage de Koyo Kouoh réside dans sa capacité à avoir créé des espaces de dialogue et de reconnaissance pour les artistes africains, tout en défiant les narratifs occidentaux dominants. Comme le souligne Le Monde, "elle a su dresser sa propre table" dans un monde de l'art longtemps fermé aux voix du continent africain. Son décès prématuré, à quelques mois de ce qui devait être l'apogée de sa carrière à Venise, laisse un vide immense dans le paysage artistique mondial.
Les institutions qu'elle a dirigées et les artistes qu'elle a soutenus poursuivent aujourd'hui son combat pour un art plus inclusif et représentatif de la diversité mondiale. Sa vision d'un art africain contemporain, libre des clichés et des préjugés, continue d'inspirer une nouvelle génération de créateurs et de commissaires d'exposition à travers le monde.